Des vestes en cuir, des T-shirts noirs et des boots en plein Bastion 23. Le Palais des Rais situé au coeur d’Alger a accueilli, en février 2018, un événement qui a réuni les fans algériens de metal. Un concert et une conférence-débat avec la projection du documentaire de Thomas VDB « Le Metal expliqué à ma mère » ont eu lieu lors du premier « MetAlgeria », organisé par des passionnés du genre.
Du métal pendant les années 90
Le Metal a beau souffrir d’une mauvaise presse, il attire de nombreux jeunes et des anciens qui rappellent que cette musique était déjà en vogue durant les années 90. « Pendant la décennie noire, le mouvement était florissant, puis il a ralenti avant de se renouveler pendant deux ou trois ans et ensuite redescendre. Là, on assiste à une renaissance », raconte Sofiane, un guitariste de 35 ans.
1ere edition du "MetAlgeria" aujourd'hui au Bastion 23 à #Alger #metal pic.twitter.com/eBjzRjq06N
« C’est très difficile d’être un métalleux en Algérie. Pour les événements, c’est un peu mort. On est surtout venu pour revoir des personnes perdues de vue depuis longtemps », poursuit Walid, lui aussi musicien. Les deux passionnés font même parti d’un groupe, renommé « OldSoul ».
L’idée de créer Metalgeria a émergé, il y a seulement quelques mois dans la tête des organisateurs. Le collectif regroupe plusieurs individus dont Redouane Aouameur, fondateur du groupe Litham et leader de la formation Lelahell, Ramzy Abbas qui fait également parti de Lelahell et Younes Chahib. Ils représentent trois générations de mettaleux, précise Zakaria Med Brahami, l’un des co-organisateurs de l’événement. Ce chercheur en politique culturelle et co-fondateur de Reaper Sound Records révèle que l’événement est totalement indépendant et n’a rien coûté à ses organisateurs. « Depuis 2014 et la venue d'AzzedineMihoubi (ancien ministre de la Culture) il y a moins de financement de la part de l’Etat. Le directeur du Bastion 23 soutient la diversité culturelle et il nous a accueilli à bras ouvert ».
Une communauté de 30 000 personnes
Selon les organisateurs, la communauté métal regrouperait plus de 30 000 personnes en Algérie. Ces derniers traînent d’ailleurs une bien mauvaise image. « Ma soeur était méttaleuse en plein terrorisme. Mes parents étaient obligés de lui interdire le look, les sorties et les événements. Cette musique a toujours été mise à l’écart. Certains disent qu’on a des croyances sataniques », raconte Amira*, 19 ans. La jeune femme estime que cet événement constitue une grande avancée pour la jeunesse algérienne. « Mon père a passé la majorité de sa vie à l’étranger et ma mère est très pratiquante mais en même temps très tolérante », poursuit-elle. « Les miens ont souffert », s’esclaffe son amie au look plus prononcé. Crâne rasé, yeux noircis au khôl, son sourire laisse entrevoir un piercing à la gencive. « Dans la rue, on nous regarde toujours de travers », se désole-t-elle. Anas*, longue veste en cuir, bandana sur la tête et vernis noir aux ongles confirme. « Je m’habille comme ça tous les jours et les gens me prennent pour un fou », lâche ce jeune homme venu tout droit de Jijel, une ville de l’est algérien.
Perte de visibilité
Ces dernières années, le genre musical a largement perdu de sa visibilité. Les quelques formations locales se produisent davantage à l’étranger et le dernier festival « Lelahell » date de douze ans. « Jusqu’en 2006, un concert était organisé chaque semaine puis il y a eu de moins en moins d’initiatives indépendantes et les infrastructures publiques ont été beaucoup plus réticentes à les accueillir », tente d’expliquer Zakaria Med Brahami.
*Les prénoms ont été modifiés